Dans le contexte du programme de recherche CEOS.fr, sont considérées comme « spéciaux » les ouvrages qui ne sont pas couverts par la pratique du génie civil courant et la codification soit parce que leurs dimensions sont inhabituelles (en particulier des structures très massives) ou en raison d’exigences de service (durée de vie, étanchéité …), ou encore en raison d’exigences particulières relatives à la protection contre les menaces extérieures (risques industriels, environnementaux, etc…).

Dans la pratique d’ingénierie actuelle (tel que codifiée dans l’Eurocode 2 ou le Model Code 2010), largeurs de fissures et espacements entre fissures sont estimés par des formules qui sont fondées sur les données expérimentales de poutres de faibles dimensions en moment de flexion ou de force de traction et sont donc assez fiables pour ces cas de charge sur des structures courantes. Le retour d’expérience a fourni des preuves que ces formules sont discutables lorsqu’il s’agit de murs de contreventement ou de structures très massives. D’autres formules sont disponibles, mais leur applicabilité n’est pas clairement établie. Une conséquence est que les concepteurs n’ont pas à leur disposition un ensemble d’outils appropriés pour une évaluation précise et fiable des modèles possibles de fissuration des structures en béton, notamment pour les structures épaisses, les structures soumises à des conditions environnementales complexes (température, humidité …) ou potentiellement soumises à des charges exceptionnelles. Par exemple, le comportement au plus jeune âge est actuellement mal pris en compte, alors qu’il est d’une importance cruciale pour les structures massives. Aussi, l’évaluation de la fissuration est souvent limitée aux cas de charge qui sont considérés pour les besoins de la maintenance des ouvrages. Cela signifie également que les formules correspondantes ne sont pas nécessairement applicables en cas de cas de charges sévères telles que les tremblements de terre ou autres événements extrêmes. Les données expérimentales représentatives sont encore manquantes pour étayer et/ou calibrer des modèles qui pourraient être mis en œuvre dans une formule simplifiée ou les codes aux éléments finis.

Ainsi tout le challenge du projet CEOS.fr a été de faire en sorte que des expérimentations qui soient représentatives des structures spéciales, tout en étant facilement interprétables et donc permettre d’aboutir à des méthodologies de calcul de prévisions des déformations et de la fissuration. Pour répondre à cet objectif une communauté de partenaires de compétences complémentaires a dimensionné, réalisé et interprété ces essais représentatifs.

 En dehors des pratiques d’ingénierie, des analyses plus précises notamment des calculs par éléments finis sont possibles, en intégrant le comportement non-linéaire des constituants. Cependant, le post-traitement des procédures de calcul, adaptées à traduire en terme de fissuration localisée (largeur, l’espacement avec variabilité) les données de calculs étaient encore balbutiantes en début du projet CEOS.fr. Un projet complémentaire, l’ANR MEFISTO (Maitrise Durable de la Fissuration) a donc été lancé pour faire évoluer les modélisations en parallèle du PN CEOS.fr. Il a permis de développer des modélisations avancées pour estimer l’endommagement mais aussi la fissuration (ouverture et espacements) sous chargement statique monotone et Thermo-Hydro-Mécanique. Les numériciens ont ainsi permis une confrontation entre les modèles numériques et le fonctionnement réel des corps d’épreuve de références.

Simulation numérique

 La simulation numérique est un outil puissant pour mener des études sur la sensibilité du modèle de fissuration (largeur, espacement et variabilité) par rapport aux données d’entrée (chargement et conditions aux limites y compris environnementales). La variabilité (non seulement les moyennes mais aussi les écarts-types) peuvent être dérivées à partir des simulations des modèles développés récemment. Par ailleurs, l’adéquation entre simulation numérique et résultats d’essais est vérifiée pour chaque corps d’épreuve testé. Des expérimentations virtuelles complémentaires sont réalisées pour aider à la formalisation de nouvelles formules d’ingénierie. La philosophie générale de CEOS.fr a donc consisté à effectuer simultanément l’expérimentation conventionnelle et développer l’expérimentation numérique.